- Le mélange de calibres même s'il se pratiquait parfois complexifie l'approvisionnement en munitions de la batterie.
- En outre les effectifs d'un équipage de pièce de 4, 8 et 12 livres (canonniers et servants) est, comme nous l'avons vu précédemment fonction du calibre des tubes. Une batterie à cheval sera donc en sous effectif pour servir des pièces de 8.
- Enfin ceci n'est pas sans conséquence sur les compagnies du train d'artillerie car si les avant-trains et les affûts des pièces de 8 et 12 livres sont les mêmes, les avant-trains et les affûts des pièces de quatre sont plus légers de sorte qu'il faudrait permuter au sein des compagnies les matériels et une partie des personnels et des chevaux d'une division d'artillerie vers l'autre. En effet les effectifs d'une compagnie du train d'artillerie (hommes et chevaux) est elle aussi fonction du nombre et du calibre des pièces qui équipent la batterie.

Avouez qu'on a vu plus simple comme mode d'organisation. Les pièces de 4 livres serait bien mieux employées si elles étaient affectées à la batterie à cheval de même que le regroupement des pièces de 8 livres au sein d'une même batterie est une simple mesure de bon sens.
Puisque la répartition est donnée comme probable on peut espérer que cette situation soit transitoire et le général Gudin y mettra bon ordre sans attendre, du moins avant qu'il n'engage le combat. Quant au colonel PELLEGRIN de MILLON qui a laissé s'installer un tel désordre, il peut s'asseoir sur son avancement à mon avis, il n'est pas près de rejoindre la voie lactée.

Pour la mise en œuvre de l'ordre d'opération que je vous ai proposé c'est sans conséquence puisque l'artillerie divisionnaire est employée en « pool ». Les deux batteries occupent la même position et reçoivent les mêmes ordres.
En revanche cela démontre que les combats menés depuis l'ouverture de la campagne ont bouleversé l'organisation interne de l'artillerie. Jusqu'en 1809, en l'absence de l'Empereur occupé en Espagne, le III° corps représentait à lui seul l'armée d'Allemagne. Il jouissait depuis deux ans d'un juste repos et d'une excellente réputation acquise lors des campagnes précédentes. Davout veillait à la bonne tenue de ses unités. On dit même que le maréchal aurait payé sur sa cassette personnelle les chaudrons supplémentaires distribuées aux compagnies d'infanterie. Il faut croire que les batailles livrées durant la première partie de la campagne d'Autriche ont durement éprouvé les moyens d'artillerie du III° corps et que le grand parc n'a pas pu remplacer les pièces perdues nombre pour nombre à calibre équivalent.
Cela explique aussi pourquoi l'Empereur a souhaité reprendre la main sur l'ensemble des pièces de 12 livres, car il est probable que l'artillerie de réserve ait également souffert durant ces mêmes combats.
En ce qui concerne le regroupement des obusiers comme je vous l'avais précédemment écrit c'est bien dans la doctrine d'emploi de l'artillerie, et si cela ne figure pas dans les manuels, nombre d'exemples attestent de cette pratique ; la dernière étant l'incendie du château-ferme d'Hougoumont le 18 juin 1815 sur le champ de bataille de Waterloo par une batterie d'obusiers.
Vous avez pourtant, vous-même, fait mention de cet information et ce n'est sans doute pas par hasard.Bernard a écrit :
Le français n'a absolument aucun moyen de savoir que le commandement autrichien se situe dans l'auberge.
Le Cabinet de l'Empereur regroupe trois bureaux :
- Le Secrétariat dirigé par Méneval assisté de Fain qui rédige les ordres
- Le Bureau topographique de Bacler D'Albe qui prépare et complète la cartographie
- Le Bureau de statistiques dirigé par Lelorgne d'Ideville *
*Extrait de : La révolution militaire napoléonienne Tome 1 les manœuvres de Stéphane Béraud page 201.
https://www.amazon.fr/r%C3%A9volution-m ... 2758700042
Ce troisième bureau est en faite le « deuxième ». Comprenez qu'il s'agit du bureau renseignements de l'Empereur. Sa mission est de collecter les informations utiles à la conduite des opérations. Les moyens sont multiples et vont de la simple lecture des gazettes locales, lesquels rapportent avec force détails le passage des troupes en ville, à la rémunération d'espions locaux ou infiltrés.
Au delà de la collecte d'informations ces espions peuvent être employer à rependre de fausses nouvelles dans la population mais aussi dans les sphères dirigeantes et les état-majors .Vous savez le rôle essentiel joué par Schulmeister en 1805 dans la reddition de l'armée autrichienne à Ulm. Soyez certain que Napoléon n'ignore rien de l'emplacement du poste de commandement autrichien sur la rive Sud du Danube. Presbourg est une petite ville, les auberges n'y sont pas si nombreuses et les officiers autrichiens parlent beaucoup, beaucoup trop surtout un bock de bière vide à la main.
Gérald Arboit vient de publier chez Perrin un livre de plus de cinq cents pages intitulé Napoléon et le renseignement.
https://www.fnac.com/a16753317/Gerald-A ... seignement
Le chapitre le plus important est consacré au renseignement d'intérêt militaire.Je laisse à l'auteur le soin de vous convaincre de l'efficacité de ce bureau.
Lors de la bataille de Fleurus (26 juillet 1794) l'emploi d'une montgolfière baptisée l'Entreprenant à permis au général Jourdan d'être informé de l'approche des divers colonnes du Prince de Cobourg. Ces attaques mal coordonnées ont pu ainsi être repoussées. L'effet était surtout psychologique. Se sentant observés les autrichiens bien que supérieurs en nombre ont supposé qu'il ne parviendraient pas à surprendre le dispositif français.Bernard a écrit :
Le tir indirect sur une cible non visible me semble parachronique.
Sur ce point vous avez raison. Depuis que Bonaparte a licenciée la compagnie d'aérostats qui l'avait accompagné en Égypte le réglage d'artillerie ne peut s'effectuer que de but en blanc.Bernard a écrit :
Même les obusiers tiraient sur un objectif "visible" (ex: Preßburg ou Cadix sur un autre théâtre d'opération).
L'emplacement de la batterie lourde autrichienne est connu des français pour la raison évoquée plus haut (espionnage). Elle se situe en arrière de la zone boisée et sur les cartes fournies par le bureau topographique elles est exactement dans l'axe du chenal qui relie le bras de Karlburger au bras de Petzchen de sorte que les batteries françaises ont visu sur la batterie autrichienne.
En remontant à la date du 10 février 2022 la photo de votre terrain fait état d'un coude qui n’apparaît pas sur les cartes. Si donc les français ne peuvent voir la batterie déployée en avant du village de Prezchen, les artilleurs autrichiens ne peuvent pas davantage les voir. La zone boisée de l'Aufpark et au nord d'Enguerau dissimule donc les troupes françaises aux vues de la batterie lourde autrichienne autant qu'elle dissimule la batterie autrichienne aux coups directs de l'artillerie française.
"Au sujet de l'erreur figurant sur la carte vous m'enverrez Bacler d'Albe, j'ai deux mots à lui dire. Et puis si il pouvait ajouter une échelle à ses cartes cela me permettrait de vérifier que la portée des divers tubes correspond bien à la mission qui leur est donnée".(Dixit Napoléon)
J'avais confié cette mission de neutralisation à la batterie d'obusiers car si je ne pensais pas qu'elle parviendrait à démonter les pièces adverses, je gageai que les obus neutraliseraient tout ou partie des équipes de pièces. Par ailleurs une batterie lourde, étant moins facilement manœuvrable qu'une autre j’espérais y parvenir avant qu'elle ne sorte de batterie et quitte sa position.
Comme il n'était pas possible de faire abstraction de cette menace, l'emploi des obusiers m'est apparu comme le seul offrant une certaine chance de réussite. Désormais je vais pouvoir employer cette batterie à la prise d'Engerau ou à sa destruction.