Aigles et porte-aigles des régiments de cavalerie français de la ligne.
1/ En 1804 chaque bataillon reçut une aigle dont le porteur fut un sergent chef, le plus ancien de l'unité. Dans la cavalerie cet honneur échut au maréchal-des-logis chef, le plus ancien, de la première compagnie de chaque escadron, c'est à dire les 1°,2°,3° et 4° compagnie.
2/ A partir de 1808, le décret du 18 février réduisit à une aigle le nombre d'emblèmes par régiment, mais si dans l'infanterie, la garde en fut confié à « un officier méritant » escorté d'un deuxième et d'un troisième porte-aigle ; dans la cavalerie il demeura aux mains d'un maréchal des logis-chef.
La réduction du nombre d'aigle dans les régiments fut obtenu par le renvoi des aigles des 2ème, 3ème et 4ème escadron (bataillon) à moins que la soie du premier escadron (bataillon) fut trop abîmée.
Les régiments de cavalerie conservant l'aigle du 1er escadron, ce dernier se trouva logiquement dans les mains du maréchal-des-logis chef de la compagnie d'élite. Je passe sur la mauvaise volonté des chefs de corps qui conservèrent et emmenèrent en campagne les aigles de tous leurs escadrons contrevenant ainsi aux ordres pourtant explicites et réitérés de Berthier, nous en avons déjà parlé.
3/ En 1812, ne parvenant pas à se faire obéir sur ce point, et de guerre lasse si je puis dire, Napoléon changea la disposition des emblèmes français. Il institua de nouveau drapeaux et étendards, inspirés des pavillons de la marine, présentant les trois bandes verticales bleue, blanche et rouge pour tous les corps.
Exit donc le modèle 1804 type Challiot, exit aussi la différence entre guidons et étendards séparant la cavalerie de la « cavalerie auxiliaire », tous les corps de cavalerie furent logés à la même enseigne (jeu de mot involontaire). Dans la pratique ce nouvel étendard fut de nouveau confié au plus ancien des maréchaux-des-jolis chefs, (Ok là j'avoue c'était volontaire) mais cette fois de chaque régiment. (ainsi on pu observer des portes-aigles issu d'une compagnie ordinaire et non plus de la seule compagnie d'élite).
Il existe pourtant dans les archives à Vincennes un projet de nomination d'un officier porte-aigle à l'état-major du 30° dragons, daté du 15 octobre 1813. Si le projet n'aboutit pas, la campagne de Saxe et la campagne de France occupant les pensées de l'Empereur, ce projet s'inscrivait bien dans la continuité du décret de février 1808 et prévoyait donc d'aligner la cavalerie sur l'infanterie concernant des porte-aigles.
4/ Lors de la première restauration, l'un des premiers actes de Louis XVIII fut de décider, le 15 juillet 1814, que les étendards de taffetas blancs fussent portés par un officier.
5/ De retour aux affaires, l'Empereur prit la décision faire fabriquer de nouvelles aigles et de nouveaux étendards tricolores remis le 1er juin au champs de mai (anciennement champs de mars). La création d'un poste de lieutenant porte-aigle affecté à l'état-major repris le projet de 1813 et entérinant la décision du Roi mettant ainsi un terme définitif à la question.
La place de l'étendard ou du guidon dépend du nombre d'aigles, donc de l'époque mais aussi de la formation adoptée par le régiment.
Quelque soit leur nombre et aussi longtemps qu'ils sont confiés à un sous officier l'aigle est placé au centre de la compagnie qui en assure la garde. Ce n'est que lorsque cet honneur échoit à un officier qu'il se retrouve au centre du dispositif régimentaire
Lors de ses déplacements en ligne l'aigle est conservé au centre de la compagnie à laquelle elle est confiée. si elle est en colonne par peloton l'aigle, confié au 2° peloton se retrouve sur le flanc gauche de la colonne comme je l'ai indiqué précédemment.
Le régiment lorsqu'il charge, se déploie rarement en ligne dans son entier. D'abord parce que l’exiguïté du terrain ne le permet pas toujours mais surtout parce que le régiment charge en colonne, par escadrons successifs, et en échelons refusés à droite ou à gauche, afin de harasser la formation d'infanterie ou de cavalerie qu'il combat. Ainsi quelque soit le porteur de l'étendard, il peut demeurer avec son escadron et rester au centre de sa compagnie.
Enfin les régiments de cavalerie légère, engagés dans des missions de reconnaissance et de sûreté, opèrent par petits détachements. Ils seraient en conséquence bien en mal de défendre leur aigle.
L'étendard, s'il est emmené en campagne, reste donc dans le fourgon personnel du colonel avec ses impedimenta et les papiers du régiment comme je le précisais dans mon message du 10 novembre dernier.
Certains historiens font mention d'aigles capturées durant la retraite de Russie ou la campagne d'Espagne non pas lors d'un combat mais parce que le fourgon où elles se trouvaient avait été pris. Ainsi le régiment des lanciers de la Vistule perdit le 24 mars 1809 lors du combat de Los Yebenes tous ses emblèmes, capturés par les carabiniers royaux espagnols. Le 8 novembre de la même année les polonais prirent leur revanche. Ils tombèrent sur les flancs du régiment espagnol lors du combat d'Ontigola et en tirèrent une sanglante vengeance. Parmi les trophées découvert par les russes après le franchissement de la Bérézina figuraient deux drapeaux. Six autres furent capturés pour ne pas dire ramassés entre la Bérézina et Minsk dans les fourgons abandonnés sur un peu plus de 30 km.
Alors, pourquoi prendre le risque d'emmener les étendards en campagne? La question est d'autant plus pertinente que certains, comme les britanniques, laissent leurs étendards et leurs guidons au dépôt.
Au delà de lui faire prendre l'air au moment de la revue et de le présenter aux nouvelles recrues rejoignant le régiment au cours de la campagne, la présence des emblèmes se justifie-t-elle encore comme un moyen de ralliement ?
Peut-être tout simplement pour permettre aux pousseurs de plomb d'aujourd'hui d'ajouter à leurs régiments une magnifique figurine de porte-aigle brandissant son étendard.
