Ma Rothière, 31 janvier 1814

Modérateur : Staff Forum

Avatar de l’utilisateur
sebastos
Messages : 703
Inscription : Lun Juin 20, 2005 6:37 pm
Localisation : London, UK
Contact :

Ma Rothière, 31 janvier 1814

Message par sebastos » Jeu Août 18, 2005 2:04 pm

Voici un compte-rendu d'une partie Npow suite à une visite durant mes vacances au sympathique club saintongeais du CJSS. Le cadre initial est la reconstitution de la bataille de la Rothière le 31 janvier 1814. Toutefois, comme personne n'avait de Würtembourgeois, j'ai opté pour un what if.

2 jours auparavant, Napoléon avait battu Blücher un peu plus au Nord à Brienne. L'Histoire n'a cessé de marteler que Napoléon fut léthargique et que cela permit aux armées de Silésie et de Bohème d'attaquer conjointement. Il n'en fut rien! En réalité, Napoléon envoya en un mouvement tournant vers l'est la cavalerie de la jeune garde appuyée par une division d'infanterie de la jeune garde sous le commandement de Decouz. Leur but était de provoquer suffisamment de troubles sur les arrières de l'armée de Bohème afin de la neutraliser pour la bataille, le laissant face à Blücher. Néanmoins, les Coalisés l'apprirent et envoyèrent le corps würtembourgeois renforcé de la division bavaroise de Beckers. Napoléon ne se rendit compte de cette riposte que trop tardivement; il avait déjà bien entamé le déploiement de ses troupes.

Image

Il avait appuyé son flanc gauche sur une ligne de petites hauteurs, ainsi que le village de Morvilliers et les fermes de Beauvoir et de La Giberie. Ordre fut alors donné à Marmont d'établir une position défensive. Ce dernier ne possédait qu'une division d'infanterie, comportant toutefois de l'infanterie de marine et une maigre unité de cavalerie légère. Il préféra alors se concentrer sur le village de Morvilliers, tandis que sa cavalerie, sous les ordres de Doumerc, couvrirait la route faisant face vers l'Est. Immédiatement en retrait fut déployé le corps de cavalerie de Milhaud et ses deux superbes divisions de dragons et une division de cavalerie légère, commandée par Piré.
Le flanc Sud, faisant face à la menace de l'armée de Silésie, fut le plus étoffé, et les villages de Dienville, La Rothière, Petit Mesnil et Chaumesnil furent hérissés de barricades. Napoléon confia la défense de l'extrême droite de son dispositif à Gérard. Ce dernier ne comptait que 2 divisions sous les ordres de Dufour et de Ricard. Elles étaient composées essentiellement de restes de régiments de la retraite de 1813 et des premiers éléments issus des dépôts. bref, des troupes épuisées, mais tout de même motivées. Gérard ne disposait pas d'artillerie; il décida donc de retrancher Dufour à Dienville et Ricard à La Rothière. Ce dernier pouvait ainsi disposer du soutien salutaire de la réserve d'artillerie de la garde, commandée par Drouot, et qui se plaça sur son flanc gauche. Les meilleurs éléments de cavalerie, la Garde à cheval, comprenant grenadiers, dragons, chasseurs à cheval et chevaux-légers lanciers, se placèrent en retrait.
Enfin, à la jonction entre les 2 fronts, Napoléon plaça le maigre corps (2000 hommes environ) de Victor, autour de La Giberie.
Tout était prêt; les Français, confiants après leur victoire sur Blücher, attendaient ce dernier de pied ferme. La seule véritable inconnue était la météo. En effet, le temps était particulièrement couvert. Lorsque Napoléon fit une tournée d'inspection de son artillerie, les artilleurs lui confièrent qu'ils ne pourraient jamais tirer aussi loin que prévu pour gêner l'arrivée des coalisés. Napoléon en prit note; toutefois, lorsqu'un paysan vint lui dire que son genou le démangeait, il n'en fut que plus soucieux. Des averses de neige étaient donc à prévoir, ce qui gênerait davantage les tirs d'artillerie et faciliterait donc l'approche des masses coalisées. Dommage; la partie serait serrée.

Il changea alors son plan. Folie ou trait de génie? Il ordonna alors à Marmont et Victor d'attaquer à l'Est toute troupe arrivant sur le champ de bataille. Pour combler le vide qui se créerait vers La Giberie, il ordonna aux dragons de Milhaud de se diriger vers le Sud.

L'attente débuta alors. Dans le lointain, les officiers observaient à la longue-vue des mouvements, trop flous pour être précis. Soudain, vers 13h, un cri, puis un autre: "Les voila!". Un courrier partit alors en rendre compte à l'empereur qui se tenait avec les dragons de Milhaud. "Enfin" se dit-il, "ils se décident à nous attaquer". Il fut toutefois soulagé en apprenant la nouvelle du courrier: l'attaque n'était pas générale; les seuls mouvements offensifs étaient de part et d'autre de l'Aube, et dirigés vers Dienville.
"Parfait! L' Aube ne peut être franchie qu'à Dienville. Si il y a un passage en force, j'enverrai à la rescousse la jeune garde." Il se retourna alors vers un courrier et lui demanda de filer ordonner aux généraux Meunier et Rottembourg de se hâter; il aurait besoin d'eux.

Une observation minutieuse révéla qu'il s'agissait de la division autrichienne d'Hohenloe-Bartenstein, du corps de Giulay; le mauvais temps ne permit pas d'identifier les troupes qui traversaient le bois de l'autre côté de la rivière. "Ainsi les Autrichiens attaquent; curieux, j'aurais parié que Giulay désirait la perte de Blücher. Tant pis, il subira les frais de son audace."


Du côté autrichien, le moral était à l'égal du temps, gris, sombre, morose. Giulay chevauchait aux côtés d'Hohenloe.
-"Que fout ce Sauerkraut!!"
-"Blücher?"
-"Evidemment! il avait juré de m'appuyer avec les corps russes d'Olsuviev et de Sherbatov! Et que vois-je? Nichts! Teufelarsch! Ces bouseux ivrognes sont encore en train de picoler; avec ce froid, cela ne m'étonnerait guère. Je vais donc les attendre et prendre mon temps. Sinon, des nouvelles de Wrède à l'Est?"
-"Pas encore; j'espère qu'ils viendront rapidement ou on va se faire repasser en beauté."

Gérard voyait arriver les Autrichiens avec confiance; il ne serait pas délogé. Le temps passait et aucun coalisé n'arrivait à part les Autrichiens. Bref, une entame de bataille très calme, trop calme. Soudain des éclaireurs aperçurent des mouvements de troupe du côté du corps de Victor. Les Russes arrivaient-ils? Les observateurs révélèrent qu'il ne s'agissait que du corps de cosaques de Platov, renforcé par de la cavalerie légère prussienne.
Image

Rien de grave, les dragons à proximité s'en chargeraient. Toutefois le temps passait; et si les nouvelles de l'arrivée de la jeune garde étaient rassurantes (Rottembourg venait de se placer en réserve à l'ouest de Chaumesnil, les coalisés ne restèrent pas inactifs, à l'exception des Autrichiens. En effet, vers 14h30, alors que la neige commençait à tomber, gênant fortement la visibilité, des éclaireurs crurent apercevoir des mouvements dans le lointain. L'averse redoubla d'intensité et boucha complètement la vue à l'observation.

Dans le même temps, une estafette russe arriva au triple galop à la rencontre de Giulay. Les Russes arrivaient en masse! Déjà Platov se déployait, et l'infanterie russe fonçait vers le centre français, qui d'après la reconnaissance, n'était tenue que par la division Ricard; bref, une offensive aisée.
Image

Image

Le flanc droit autrichien était protégé par l'arrivée de la division de dragons de Panchulitzev. On avait des nouvelles des Bavarois à l'Est; ils avançaient rapidement et n'allaient pas tarder à apparaître sur le champ de bataille. Tout allait bien.

Du côté français, la tension monta d'un cran. Alors que l'averse de neige cessait, un terrible spectacle se présentait sous leurs yeux. La masse russe, pourtant battue 2 jours auparavant, se dirigeait droit sur eux. De plus, les cosaques avaient rapidement dissipé le mince rideau de tirailleurs destinés à couvrir l'arrière de Victor et le flanc des dragons de Milhaud. A ce propos, ce fut avec effroi q'un combat de cavalerie s'engagea entre les dragons de Briche et la colonne volante; si une partie des cosaques réussit à s'échapper, le reste parvint à prendre de flanc les dragons engagés contre les Prussiens. Le résultat ne se fit pas attendre. Les dragons lâchèrent prise et après un bref combat, partirent en déroute. Les Prussiens enthousiastes les poursuivirent; ils passèrent devant Napoléon sans s'en rendre compte, mais perdirent leur cohésion. Ainsi un quart des dragons avait disparu. Mais le pire se produisait sur le front Est:
Image

les Bavarois arrivaient, nombreux, et la cavalerie légère de Doumerc et Piré chargèrent dans l'espoir de perturber le déploiement adverse. "Courageux mais futile!", s'exclama alors Wrède, qui dirigeait l'artillerie bavaroise et décida de les déployer juste devant ces téméraires cavaliers.
Image

Image

Image

Le temps fut alors suspendu; la réserve d'artillerie bavaroise et autrichienne cracha un véritable feu d'enfer, déchirant les chairs, tuant chevaux et cavaliers. Toutefois, si des cavaliers français préférèrent s'arrêter, la plupart des survivants poursuivit la charge; l'impact fut violent. Les chevaux-légers de Lamotte furent repoussés, et une partie des artilleurs prirent les jambes à leur cou; néanmoins l'infanterie avait tenu le choc initial et ne s'était pas débandée. Pire, une partie des cavaliers, effrayés, par les pertes, décida de se replier. Bref, les troupes de Lagrange, qui quittaient l'abri défensif idéal de Morvilliers se retrouvaient le flanc exposé aux attaques.
Attaques qui ne manquèrent pas, car les Autrichiens de Hardegg et de Spleny, fraîchement arrivé, y virent une magnifique occasion. Ils lancèrent alors leur cavalerie légère; mais les Français parvinrent à se mettre en carré, stoppant ainsi la charge qui s'annonçait pourtant meurtrière. Heureusement que l'infanterie autrichienne suivait à peu de distance, et rapidement de furieux combats au corps-à-corps s'engagèrent. Les jägers de Hardegg, sous le feu de l'artillerie à cheval, durent subir un assaut de l'infanterie de marine; un temps ébranlés, ils purent se rallier et contre-attaquer, tandis que les marins reçurent un déluge de mitraille des pièces autrichiennes. Lagrange voyait ses effectifs fondre, et lança un appel à l'aide à Marmont. Ce dernier, n'ayant plus de réserves, ordonna un repli général, sur les hauteurs et au niveau de Chaumesnil.
Image

Il espérait que Victor pourrait attaquer le flanc des Bavarois qui s'engouffraient, mais ce dernier préféra se regrouper à la Giberie et faire face aux attaques de cavalerie.
En effet, une division de cavalerie légère russe venait de faire son apparition et arrivait à point nommé pour renforcer les troupes de Platov, en grande difficulté, maintenant que les Prussiens avaient été chassés du champ de bataille par les dragons de l'Heritier.
Le flanc sud voyait les Français tenir efficacement leurs positions. Les Russes, handicapés alors par des généraux en train de désaoûler, n'avançaient guère, et les tirs de la grande batterie faisait des ravages.

Image

A 2 reprises, les artilleurs, un peu trop enthousiastes, chargèrent un peu trop leurs pièces, et plusieurs canons ne tinrent pas; le chaud et froid était aussi valable pour les canons. Tout se mettait en place pour la contre-attaque française; la cavalerie de la garde, impressionnante, se déployait pour soutenir une attaque de la division Dufour. En effet, ce dernier, motivé par le peu d'ardeur au combat de Hohenlohe, décida de sortir de Dienville et de lancer une véritable charge, après une imposante décharge de mousqueterie qui désorganisa les Autrichiens. Le sort était-il scellé sur cette portion du champ de bataille? Même Ricard commençait à devenir audacieux, face à des régiments russes très éprouvés par les tirs. De plus, Meunier et ses tirailleurs de la jeune garde venaient d'arriver et protégeaient le flanc gauche de la grande batterie.
Image

Image

Plus à l'Est, les combats étaient furieux entre dragons français et cavaliers russes.
C'est dans ces moments-là que l'Histoire décide alors de rire un peu et qui, tout en souriant sournoisement, bouleverse tout et renverse la situation. Les Français debout depuis le matin prirent-ils froid? Les généraux coalisés réchauffés par l'alcool résistèrent-ils mieux? Nul ne le sait. Mais il est certain, alors que tout semblait sourire aux audaces françaises, que rien ne se passa comme prévu. Vers 17h30, tandis que les généraux autrichiens et russes parvenaient sans cesse à rallier leurs troupes, les Français virent se multiplier les coups: un général tomba de cheval, Nansouty se cassa un ongle, bref, l'ardeur au combat chuta brutalement, et si les artilleurs continuaient à tirer frénétiquement, infanterie et cavaliers français arrêtaient soudain leur charge. Ce fut ainsi que si les troupes de Dufour furent un temps victorieuses au Sud de Dienville, les Autrichiens de Hohenlohe se reprirent et attaquèrent. Comble de malchance, une grosse averse de neige surprit tous les combattants. Pendant plus d'une heure la neige tomba avec violence, bouchant la vue, gênant les mouvements, épuisant les corps. Les Russes en profitèrent pour avancer; tandis que les jägers faisaient le coup de feu, les mousquetaires se préparaient à charger la division Ricard et les tirailleurs de Meunier. Dans le même temps, les dragons de Panchulitzev se heurtèrent à la charge des grenadiers à cheval, protégeant le glanc des Autrichiens du 3e corps et l'infanterie russe, elle-même chargée par les chasseurs à cheval de la garde.
Image

Image
Ce fut une journée à oublier concernant les prouesses de la garde, car le mauvais temps perturba les grenadiers qui préférèrent se regrouper en arrière, tandis que les chasseurs à cheval se trouvèrent face à des carrés ruses bien formés. L'attaque avait échouée.
Pire, les troupes de Gérard étaient désormais menacées. La division Ricard commença à subir des assauts, tandis que Dufour dut retraiter dans Dienville. Une autre mauvaise surprise se profilait. Les troupes autrichiennes entre-aperçues de l'autre côté de la rivière s'étaient dangereusement rapprochées et s'apprêtaient à franchir le pont. Dufour envoya un régiment à la charge, mais qui ne put soutenir la charge enthousiaste de 2 unités autrichiennes. Il n'avait alors plus qu'à se retrancher, ne plus bouger, se réorganiser.
Image
A l'Est, Chaumesnil était bien défendue par les voltigeurs, avec l'appui des restes de la cavalerie légère, qui ne totalisait plus qu'à grand-peine, les effectifs d'une brigade. Mais les Bavarois avançaient et étaient en vue des limites du village. Le village de Morvilliers quant à lui était sur le point de tomber. Les marins avaient fini par dérouter. Certes la hauteur boueuse, impraticable, permettait de se prémunir des attaques de la cavalerie autrichienne, mais pas de celles de l'infanterie. Fusiliers, jägers, te même fantassins bavarois se ruaient à l'assaut des positions françaises. Napoléon avait au final commis une grave erreur, son flanc ne tenait plus guère que grâce à la présence de la jeune garde, qui risquait d'être tournée d'ici peu. Victor, lui, regroupé, intact, protégeait les flancs des dragons qui remportèrent encore quelques succès.
Désormais, les Français étaient acculés à la défensive. Ils tenaient encore la ligne de villages fortifiés, mais pour combien de temps? Déjà, une fois l'averse calmée, ils voyaient poindre une nouvelle unité russe: la réserve de grenadiers de Paskiewitch.
C'en était trop pour eux. La grande batterie, jugée trop dangereuse par les Russes, fut chargée de flanc. Seuls quelques pièces furent abandonnées, personne ne dérouta; la garde meurt.... Mais elle était en situation délicate.
Image
Image
Bref, le crépuscule s'approchait et décidèrent de concéder le terrain aux coalisés.


NB: nous n'avons pas pu terminer le scénario, il restait encore 3 tours, dommage. Il faut dire que le joueur français, Christophe Debeir, devait jouer beaucoup d'effectifs, peut-être trop, surtout qu'il s'agissait pour lui d'une expérience; il venait de découvrir la règle.
De plus, j'ai voulu faire entrer aléatoirement les coalisés. Mal m'en prit car la malchance initiale retarda de 2 tours l'arrivée des troupes, et donc retarda de 2 tours les corps-à-corps. De plus, je n'avais pas prévu cette offensive française à l'Est, ce qui a perturbé les mouvements bavarois. A retenir donc pour une nouvelle version du scénario que je mettrai en ligne bientôt.
Expérience donc fort instructive pour tout le monde.
Je tiens encore à remercier le CJSS pour leur accueil, leur sympathie, et plus particulièrement Christophe, qui m'a passé ses photos, ainsi que celui qui joua les Russes; désolé j'ai oublié ton nom, je n'ai pas la mémoire des noms. A charge de revanche.

Avatar de l’utilisateur
Nicofig
Administrateur
Messages : 3618
Inscription : Dim Juin 19, 2005 8:31 am
Localisation : Toulon

Message par Nicofig » Jeu Août 18, 2005 7:55 pm

Un seul mot là aussi : Bravo !! Qu'il est agréable de lire ce type de récit de bataille qui ne peuvent que donner envie de pousser du plomb en particulier à ceux qui tomberont sur le forum par hasard.
Merci de cette contribution :D

Avatar de l’utilisateur
Chien Sauvage
Messages : 674
Inscription : Mer Août 10, 2005 7:09 pm

Message par Chien Sauvage » Jeu Août 18, 2005 8:47 pm

Le recit est aussi palpitant que les photos sont belles. Felicitation les rapport de batailles sont toujours un gros travail.

Répondre

Revenir vers « Révolution et Empire - Les scenarios et les rapports de bataille »