Comportement et létalité de la cavalerie face au feu ?

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Thierry Melchior
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Re: Comportement et létalité de la cavalerie face au feu ?

Message par Thierry Melchior » Mar Jan 12, 2016 10:35 pm

J'aime bien taquiner Bruno, anglophile absolu, étant moi-même un anglophobe absolu ! :mrgreen:
Tant que je n'ai pas vu la bibliographie des sources citées je ne me prononce pas, une erreur reprise 10 000 fois reste une erreur.

Pour les pertes il y a sûrement de l'exagération de la part du capitaine, comme cette anecdote des officiers français qui lancent des pierres et blessent des officiers anglais ! :shock:
Vous avez certainement lu, comme moi, la note N° 1 de la page 170 : Girod de l'Ain, Vie militaire du général Foy, p. 172
Si vous avez continué votre lecture vous avez certainement lu ce passage sur l'attrition pendant la marche qui suivit… et quand on sait que les officiers préféraient dire que leurs hommes étaient morts au combat plutôt que de faim…
Il faut savoir lire les sources entre les lignes et je pense que les historiens anglais ne prenaient que les chiffres de pertes dans les rapports français sans savoir si celles-ci étaient dues au combat ou à l'attrition des marches. :roll:
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LECHEVALIER
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Re: Comportement et létalité de la cavalerie face au feu ?

Message par LECHEVALIER » Dim Jan 22, 2023 3:39 am

Pour en revenir à l'affaire de Garcia Hernandez il faut resituer les choses dans leur contexte. À l’issue de la première bataille des Arapiles (22 juillet 1812) que les Anglais dénomment bataille de Salamanque, les troupes de Clausel effectuent leur retraite, la division Foy assurant l'arrière-garde, elle est suivie à distance respectueuse par l'avant-garde de l'armée britannique assurée par la brigade de dragons lourds de la K.G.L. du major général von Bock soutenue par le 2e bataillon léger de la même légion.

Les troupes restent à distance car le terrain est vallonné de sorte qu'il n'est pas possible d'observer l'ennemi à distance. Ainsi les cavaliers hanovriens franchissent-ils chaque crête à mesure que les fantassins français ont atteint la suivante. Cette belle mécanique vient à se gripper lorsque les cavaliers de von Block ayant progressé trop rapidement tombent sur les bataillons français toujours présents dans le talweg. Ils sont à portée de fusil et il n'est plus possible de reculer.
C'est donc contraint et forcé que le major général von Bock ordonne la charge.

Comme il a été indiqué, les Français ont formé le carré. Ils s’apprêtent à recevoir l'ennemi avec le calme des vieilles troupes mais une circonstance exceptionnelle va alors se produire. Alors que les chevaux et leurs cavaliers refusent de s’empaler spontanément sur le mur de baïonnettes qui leur est opposé. L'un des cavaliers et sa monture touchés à mort pendant la charge vont tous deux poursuivre leur course quelques instants et s'affaler sur les premiers rangs de fantassins, créant une brèche aussitôt exploitée par les cavaliers suivants. Pour éviter d'être sabrés, les malheureux fantassins vont alors se précipiter vers les carrés les plus proches pour y trouver refuge entraînant à leur suite les dragons lourds allemands qui auront vite raison des carrés des 76e, 6e et 69e. Un quatrième carré se crut un instant secouru par une charge de cavalerie française mais la survenue du 2e bataillon léger de la KGL les mit en fuite entraînant la perte de ce dernier carré.

Cet exploit extraordinaire au sens premier du terme amena ce commentaire flatteur de la part de Wellington pourtant peu disert concernant la cavalerie : « je n'avais jamais été témoin d'une si vaillante charge que celle menée sur l'infanterie ennemie, par la brigade lourde de la King's German Legion sous les ordres du major Général von Bock ». Dès lors un détachement de cette brigade lui servit d'escorte et le prince régent décida d'accorder aux officiers de la Légion la reconnaissance de leur grade dans l'armée anglaise preuve si l'en fallait du caractère tout à fait exceptionnel de l'exploit réalisé.

Extrait de la légion anglo-germanique de Louis de Beaufort édité par le C.F.F.H.

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Thierry Melchior
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Re: Comportement et létalité de la cavalerie face au feu ?

Message par Thierry Melchior » Dim Jan 22, 2023 9:46 pm

Pour une remontée de sujet c'est une belle remontée (plus de sept ans quand même) ! :)
Merci, Monsieur Lechevalier, pour cet extrait qui précise et remet bien les choses en place ! :D
C'est toujours mieux de croiser les sources des deux côtés ! :wink:
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Re: Comportement et létalité de la cavalerie face au feu ?

Message par LECHEVALIER » Dim Jan 22, 2023 11:55 pm

Merci Thierry pour cette appréciation. Les nuits d’insomnie, il m'arrive de repasser les sujets traiter et de constater que j'avais laissé filé certains d'entre eux sur lesquels je pouvais apporter ma pierre. Je me suis inscrit sur le forum qu'en septembre 2012 et il m"arrive aussi de déterrer d'anciens sujets.

Natalia Goutina épouse Griffon de Pleinevielle a commis un 1er volume intitulé « chargez »concernant l'emploi de la cavalerie lors de la campagne d'Espagne.
J'avais quelques préventions contre elle mais la lecture de ce beau livre m'a à ce point séduit que j'en ai aussitôt commander deux autres : les aigles en Galice qui s'achèvera avec la bataille de la Corogne et Napoléon en Pologne relatif à la campagne de 1807 Eylau et Friedland.

Le second volume du titre « chargez » devrait traiter entre autre du combat de Garcia Hernandez. J'attends avec une certaine impatience sa sortie car j'ai beaucoup appris dans le premier tome du déroulement de l'affaire de Benavente dont je croyais pourtant tout savoir.

J'ai encore en mémoire les réflexions amères de Xavérus concernant l'emploi de la cavalerie dans le jeu d'histoire napoléonien. Nul doute que la lecture de ces deux volumes devrait lui ouvrir des horizons nouveaux quant à l'emploi de celle-ci.

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Thierry Melchior
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Re: Comportement et létalité de la cavalerie face au feu ?

Message par Thierry Melchior » Lun Jan 23, 2023 12:21 am

Eh bien ! Voilà des titres pleins de promesses ! :)
C'est un peu tard pour Noël (mon épouse et mes garçons sont parfois à court d'idées cadeaux) mais je ne vais pas attendre le prochain pour me les offrir ! :wink:
Merci, Monsieur Lechevalier ! :D
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Re: Comportement et létalité de la cavalerie face au feu ?

Message par Jc Prudhon » Lun Jan 23, 2023 11:00 pm

Lire les manuels, mémoires et comptes rendus de bastons. Avec en tête la grande capacité à "atténuer" les choses moins glorieuses, genre lire "nous avons été vivement ramené" par nous avons fuit aussi vite que possible etc.

la cavalerie empire est sur 2 rangs, 100m de front = environ 80-100 types x2 + les cadres derrière ou devant. 200 gus.
100m de biffins en ligne (ou en tête de colonnes qui ne sont jamais en temps normal qu'une succession de lignes) c'est 500 biffins dont 2/3 vont tirer dans le meilleurs des cas. L'immense majorité du temps, viser, c'est juste pointer l'arme dans la direction de l'ennemi, il n'y a pas de mire, dans l''hypothèse que la majorité serait assez calmes pour effectivement viser au sens moderne.
La biffe au vu des portées ( et elle joue avec les nerfs en gardant son unique feu pour le dernier moment- en espérant bien ne pas en avoir besoin) a un seul tir possible car la cavalerie (contrairement aux tables de jeu;) est suffisamment rapide sur eux pour ne pas permettre de recharger (ou certainement pas d' en prendre le risque).
Une salve de types tendus sur une cible qui change vite d'aspect en approche (c.f. voir la charge de Ber Sheeba dans le filme avec Mel Gibson et les erreurs de hausse) ça peut faire mal mais ça ne bousillera pas, dans mon exemple, plus disons la moitié du 1er rang et qq uns du second. 50-75 types dans le cas idéal.
Quand ça arrive, c'est dans les comptes rendus. Et justement les comptes rendus; il faut voire si c'est la normalité ou l'exception.
La cavalerie morfle assez peu. Attaquer de l'infanterie non surprise revient à un test de nerf et de coup d'oeil de par et d'autre des officiers commandants. Tenter / forcer l'infanterie à gaspiller son tir, d'une part, réserver et dissuader les bourrins de l'autre en se montrant résolu.
Quand ça foire, les cav. se barrent, ou les fantassins sont écrasés.
La tendance des récits est évidement en un mot bien à la mode ; le "ressenti" du type. Pas forcément du tout la réalité. Voir les pertes réelles qui sont le plus souvent assez faibles pour les cavaliers et encore plus en se combattants entre eux. Le truc de faire reposer "la victoire" d'un combat sur uniquement les pertes en jeu est une erreur. Un type qui vire son opposant peut tout à fait avoir plus de pertes. C'est la détermination et le niveau de trouille de parties vitales de la formation qui compte, par exemple les extrémités, contre un ennemi plus étendu. Imaginez vous les gus du bout ;).

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Thierry Melchior
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Re: Comportement et létalité de la cavalerie face au feu ?

Message par Thierry Melchior » Mar Jan 24, 2023 1:20 pm

Bonjour J.-C.,

Bien sûr que le moral est important, nous sommes d'accord. :)
Les trois rangs ne tirent jamais ensemble, il y a donc toujours une réserve de feu.
Il vaut mieux tirer quand on voit le blanc des yeux de l'adversaire et ne pas trop attendre comme en Égypte ou les fantassins des premiers rangs d'un carré (sur six rangs heureusement) ont jugé bon de tirer à dix pas (l'encadrement leur avait dit trente) et ont été renversés par quelques Mamelouks dont les chevaux étaient dressés au combat rapproché (c'est pour ça que les étriers des Mamelouks étaient larges et aiguisés).

Ça me fait toujours rire de voir les reconstitutions de « combat » entre les gus à pied et les zigs à cheval, une vingtaine de fantassins forme un vague carré et les gars lèvent leurs fusils en l'air, les cavaliers trottent vers eux puis passe au pas et enfin forcent leurs chevaux (personnels ou de location) à pousser les fantassins avec leur poitrail… Sincèrement, si les fantassins tenaient leurs fusils munis de leurs baïonnettes bien droit devant eux, vous croyez que les cavaliers risqueraient la peau, c'est-à-dire le cuir, de leurs précieux chevaux ? Non, bien sûr ! De nos jours, il suffit d'agiter les bras devant un cheval pour qu'il se cabre ! Quand je vois les cavaliers pleins de morgue qui se pavanent sur leurs montures…

Dans tous les cas c'est l'arme de plus longue portée qui l'emporte et quand on lit les récits des combattants anglais à Waterloo (par exemple) il suffit de quelques cavaliers et/ou chevaux couchés par terre pour que le reste de l'escadron flanche (partent par le flanc) !
Et c'est pour ça que la cavalerie, grâce à sa vitesse, cherchait à prendre l'ennemi (à pied ou à cheval) de flanc ou par l'arrière !
Si la cavalerie avait été invincible, les armées n'auraient compté que des cavaliers en leur sein !
———

À la page 20 « Des marches dans les armées de Napoléon par le lieutenant C.-P. Escalle », on peut lire la place réellement occupée par 12 files (12 chevaux).
En bas de la page 3 commence la note 4 qui se poursuit page 4, dans laquelle note on trouve le front occupé par les fantassins.
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Re: Comportement et létalité de la cavalerie face au feu ?

Message par Jc Prudhon » Ven Jan 27, 2023 6:15 pm

Pas invincibles natürlich.
les chevaux sont entrainés à ne pas s'émouvoir des tirs et des gus devant. sinon haha comme les chevaliers en reconstit que j'ai vu choir, quand les biffins anglais, jaloux de leur succès d'attention, se sont mis à faire une salve. Sournois.

Comme toujours, circonstances, et surtout le trouillomètre de par et d'autre. Dans les jeux, sauf circonstances particulières (la plus courante étant une batterie à cheval en soutien des bêtes à crottin (c'est à ça que ça sert!) qui fait des trous et déstabilise les biffins, les carrés devrait majoritairement tenir. Voir l'excellente scène du film russe récent, Les Décembristes dans l'esplanade à SPB. Boum et sauve qui peut.

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Re: Comportement et létalité de la cavalerie face au feu ?

Message par Thierry Melchior » Mar Fév 14, 2023 11:22 am

Si vous lisez l'anglais (PDF téléchargeable) : L'action à Garcia Hernandez le 23 juillet 1812
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Re: Comportement et létalité de la cavalerie face au feu ?

Message par franckT » Mer Fév 22, 2023 8:42 pm

Merci pour cet instructif déterrage ! :)
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