Les troupes légères?

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nicolo
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Les troupes légères?

Message par nicolo » Dim Avr 01, 2012 8:39 am

Salut à tous,

j'aimerais savoir si quelqu'un peut éclairer ma lanterne, à savoir qu'est-ce que l'on entendait par troupes légères ?
Quel était le rôle d'un bataillon de légers? et plus spécialement sous la Révolution?
Le terme "Légers" est-il synonyme de "Tirailleurs"?

Merci d'avance pour vos réponses

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Thierry Melchior
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Re: Les troupes légères?

Message par Thierry Melchior » Dim Avr 01, 2012 10:01 am

Bonjour Nicolas :)
nicolo a écrit :J'aimerais savoir si quelqu'un peut éclairer ma lanterne, à savoir qu'est-ce que l'on entendait par troupes légères ?
Sémantiquement parlant, il me semble que ce terme a été utilisé pour la première fois à l'époque de la guerre « en Dentelle » ? Si des spécialistes de cette période peuvent le confirmer ? :|
Sinon, depuis que les armées régulières existent, une troupe dite « légère » est composée de soldats sans armes défensives (boucliers, armures) – éventuellement de petits boucliers, munis d'armes de jet à moyenne ou longue portée (javelots, frondes, arcs) et manœuvrant en ordre lâche (sans cohésion) contrairement aux troupes dites « réglées » qui sont alignées en rangs et en files plus ou moins serrées.
Les troupes légères comme on l'entend à partir de l'invention du mousquet, sont employées pour reconnaître les positions ennemies, menacer leurs convois et leurs lignes de communication.
Elles savent vivre sur le terrain (capture de dépôts ennemis, mais surtout pillage) et manœuvrent seules.
Le plus souvent, elles dépendent directement du général commandant l'armée.
Bien que la « petite guerre » qu'elles pratiquent en fasse des troupes extrêmement aguerries, elles sont rarement employées sur le champ de bataille, hors exceptions fameuses comme les arquebusiers de Grassin ou les chasseurs de La Morlière.
Au fur et à mesure que les généraux vont comprendre l'intérêt de les envoyer en reconnaissance et constater la terreur qu'elles inspirent (apparition soudaine, efficacité du feu), leur emploi va se généraliser et elles vont être employées sur le champ de bataille.
De par mes lectures, j'ai l'impression que c'est la guerre de Sept Ans et la guerre d'Indépendance américaine qui va généraliser leur emploi sur le champ de bataille.
L'efficacité de l'artillerie et des fusils amènera une fusion dans l'emploi et la différence entre les troupes de Ligne (parce qu'elles se mettent en ligne pour combattre) et les troupes Légères va s'amenuiser et disparaître complètement à l'époque qui nous intéresse, puisque l'infanterie régulière sait aussi bien se mettre en ligne qu'en tirailleurs pour combattre.
nicolo a écrit :Quel était le rôle d'un bataillon de légers ? et plus spécialement sous la Révolution ?
La reconnaissance des positions ennemies, l'éclairage de l'armée en mouvement, la couverture des troupes en ligne, le harcèlement des unités ennemies, mais l'esquive dès que celles-ci cherchent le contact.
Pendant la Révolution je ne vois pas un rôle différent de tout ce que je viens d'écrire, il faudrait que je relise les mémoires du général Duhesme et d'autres.
nicolo a écrit :Le terme « Légers » est-il synonyme de « Tirailleurs » ?
Non, quand une unité est en tirailleurs ses files de soldats sont séparées les unes des autres d'un à plusieurs pas.
Je te conseille la lecture de mes articles sur le site de Nicofig « Histoire de jouer » :
http://www.nicofig.fr/spip.php?article101
Après avoir lu ce premier article tu pourras cliquer dans la colonne de droite sur les trois articles parlant des tirailleurs.
nicolo a écrit :Merci d'avance pour vos réponses
Je t'en prie, Nicolas, ça me fait plaisir. 8)
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gboue
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Re: Les troupes légères?

Message par gboue » Dim Avr 01, 2012 11:55 am

Thierry raconte des bêtises :shock: (C'est quand même pas tout à fait vrai :D )
Toutes les réponses à tes questions, Nicolo, se trouvent dans la version lisible de la thèse de Sandrine Picaud-Monnerat
publiée chez Économica dans la "bibliothèque stratégique" et qui s'appelle:
"la petite guerre au 18ème siècle".

les troupes légères ne sont pas utilisées sur le champ de bataille
ou extrêmement exceptionnellement (les Grassin à fontenoy).
Les troupes légères correspondraient aujourd'hui aux "forces spéciales" mutatis mutandis.
leur mode de combat est tout sauf régulier, il s'adapte aux circonstances tactiques.

La révolution change la donne, tout du moins en France, il est abusif de dire
que rien ne change, la simple lecture de n'importe quelles Mémoires (je viens de terminer celles du sergent Lavaux)
montre au contraire que la spécialisation des troupes n'est plus totalement de mise (sauf hussards et chasseurs à cheval voire quelques légions
de volontaires), et que toute unité de ligne peut se voir attribuer des missions tactiques relevant
précédemment des troupes légères (c'était le sujet que j'ai développé il y a trois ans à l'ESM de Saint Cyr devant un comité
de l'IHEDN).

Thierry !! réagit ne laisse pas cette affaire en suspens jusqu'au 1er juin :mrgreen:

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Re: Les troupes légères?

Message par nicolo » Dim Avr 01, 2012 12:54 pm

Merci Messieurs pour vos réponses (et surtout pour le temps passé à y répondre).

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dauriac2000
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Re: Les troupes légères?

Message par dauriac2000 » Mar Avr 03, 2012 10:04 am

J'apporte ma pierre sur les tirailleurs de la période empire-révolution, tirée de "les armes de Napoléon":

A la révolution, l’infanterie de ligne issue de l’ancienne armée royale, régiments disciplinés et instruits, coexiste avec les récentes levées décidées pour faire face aux nombreuses menaces qui se dressent. Ces nouvelles troupes manquent d’entraînement même si Lynn démontre qu’elles vont rapidement s’aguerrir au point de manœuvrer aussi bien que les bataillons de ligne dès 1793 ; il n’en demeure pas moins que le combat des tirailleurs se développe et qu’il devient une composante importante de la tactique de l’armée française. Leur efficacité est alors parfaitement connue, même au détriment des forces françaises :

« Les Autrichiens eurent d’abord des troupes légères plus nombreuses, plus adroites et plus expérimentées. Leurs Tyroliens et leurs chasseurs du Loup furent connus et redoutés dès les premiers engagements. La terreur panique et les déroutes des colonnes sorties de Valenciennes et de Lille doivent s’attribuer à l’adresse qu’ils eurent de se glisser sur les flancs de ces colonnes. Leurs tirailleurs, cachés derrière des arbres, dans des fossés, désolèrent dans les premiers engagements nos bataillons qui, bravement en ligne, se voyaient décimés sans apercevoir leur ennemi »

Il est d’ailleurs étonnant que ces tirailleurs autrichiens si efficaces au début des guerres de la révolution disparaissent purement et simplement du champ de bataille si l’on en croit les historiens français du fait militaire. De même qu’il est difficile d’accepter que les Anglais ne combattent pas en tirailleurs alors qu’à Waterloo, 8 % de leur effectif est équipé d’une arme spécifique propre à ces combattants.
Il n'existe pas un règlement de l’action des tirailleurs en France. Celle-ci est trop dépendante des circonstances, des dispositions du terrain, des nécessités du mouvement, de la présence de la cavalerie. Il faut préciser qu’au contraire de ce qui se passe dans beaucoup d’autres armées, les unités légères françaises ont une organisation identique aux unités de ligne et elles sont utilisées de façon similaire. Toutes les unités peuvent agir en détachant de leur effectif des tirailleurs. Au début des guerres de la Révolution, ce sont les compagnies de grenadiers et de voltigeurs qui vont entrer en jeu en ordre dispersé devant le front. On appelle voltigeurs une compagnie du bataillon composée d’hommes considérés comme un petit peu plus performants que les autres, tout comme les grenadiers qui ont pour eux en plus leur grande taille. On leur confie la couverture des mouvements des lignes, la protection éloignée des colonnes et la préparation de l’attaque en harassant l’adversaire en lui tirant dessus. Pour comprendre la liberté d'action laissée aux tirailleurs par l'ennemi, il faut avoir à l'esprit que le bataillon en ligne évite de faire feu sur ces hommes dispersés ; d'une part, nous savons qu’une fois le tir déclenché il est difficile de garder le contrôle de l’unité ; d'autre part, une salve de celui-ci contre quelques tirailleurs, cible trop éparpillée, est inefficace. C’est gâcher les munitions.
Davout approuve une instruction sur les tirailleurs avant la campagne de Russie . Toute l’infanterie s’instruit pour manœuvrer en tirailleur, et pas seulement les compagnies de voltigeurs ou de grenadiers. Les mouvements sont parfaitement réglés. Cette préconisation apparaît étonnante alors que ces hommes doivent faire preuve d’une grande initiative ; il n'est pas sûr qu'elle ait un réel succès. Sa diffusion limitée aux troupes sous les ordres de Davout et le silence des écrits sur cette instruction après l'Empire plaide en ce sens. Elle est néanmoins intéressante pour comprendre la façon dont manœuvrent les tirailleurs. Pour Colin si les règlements de 1791 et de 1831 n’en disent rien, ou peu, c’est simplement que l’on ne juge pas utile de réglementer le déploiement et la conduite des essaims de tirailleurs. Et point du tout parce qu’on préconise une tactique exclusivement linéaire . Mais la vraie crainte des tirailleurs, c’est la cavalerie. Celle-ci qui a du mal a s’en prendre avec succès à une formation d’infanterie solide, peut faire des miracles dès le désordre installé, or les tirailleurs agissent en ordre dispersé, ce qui, face à la cavalerie revient au même. En 1813, l’armée française ne peut transformer ses victoires tactiques en succès décisifs à cause de sa faiblesse en cavalerie. Alors s’il est vrai que la troupe à cheval n’utilise pas les armes à feu d’une manière pouvant influencer le sort d’un combat, nous ne la négligeons pas.



Et encore :

Les pertes relativement faibles subies à Saalfeld par les Français qui combattent essentiellement en tirailleurs mettent en évidence l’intérêt de ce type de combat. Il apparaît clairement des affrontements étudiés que la tactique française n’est pas l’assaut de masses de tirailleurs soutenus par des bataillons en colonne d’attaque . Ni même à l’instant décisif, les bataillons qui se forment ainsi chargeant à la baïonnette . Non, décidément l’armée française ne favorise pas la formation profonde . Nous avons analysé les rapports de la campagne de Prusse jusqu’au 14 octobre 1806. Nous en avons relevé les formations explicitement précisées. Sur 148 cas, nous avons extrait les formations utilisées sous le feu. 34 concernent la ligne avec 16 fois en attaque dont 12 en avançant et pas seulement en faisant le coup de feu, 11 la colonne en attaque, 15 le carré et 33 les tirailleurs. La première constatation qui s’impose à nous est que la colonne n’est pas la principale formation utilisée. La ligne prédomine sur la colonne, même en attaque. L’analyse de l’utilisation des tirailleurs permet de vérifier leur importance dans la tactique française, mais nous constatons qu’ils sont autant employés comme acteurs majeurs (14) que dans les fonctions que l’on peut s’attendre logiquement à les voir remplir (18), soit la couverture, le soutien, ou l’avant-garde. Mais en fait, ils sont utilisés comme éléments principaux quand le terrain est difficile pour la ligne ou la colonne : villages, bois, sols coupés. Notons encore que les tirailleurs ne sont pas prélevés uniquement dans les formations prédestinées tels les régiments d’infanterie légère, ou les compagnies d’élite. L’armée française possède suffisamment de souplesse pour détacher des tirailleurs où et quand elle le veut.

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Re: Les troupes légères?

Message par nicolo » Lun Avr 09, 2012 7:08 pm

Merci beaucoup Monsieur Dauriac, c'est exactement ce que je voulais savoir. Je vais faire une demi-brigade de léger pour la peine :)

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