C’est depuis mon lieu de villégiature que j’ai réagi au post indiquant que : les Suisses avaient « combattu » à Baylen. Ne disposant pas de ma documentation, j’ai narré de mémoire les faits et n’ai pu comme à mon habitude citer mes sources. Rentré chez moi depuis je vous adresse le texte original sur lequel se fondent ce "
mélange d'informations parfois erronées impressives et contradictoires, surprenantes, voir indignes du standard forum jeu d'histoire" que d’aucuns apprécieront.
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Vers 9 heures du matin
C’est au cours de cet assaut que se produit un événement peu croyable : la fameuse rencontre entre Suisses. Subitement les six compagnies de Christen s’arrêtent court dans leur assaut et mettent l’arme au pied. L’attaque se fige . Que se passe-t-il ? Là haut du coté de l’ennemi les shakos s’agitent aux pointes des baïonnettes. « Halte ! » crient des voix amies « Nous sommes aussi des suisses, nous ne voulons pas nous battre les uns contre les autres ». Les fusils s’abaissent ; le bataillon Christen s’avance jusqu’au fossé de la redoute (à l’aile gauche espagnole à Haza Vallona),le franchit et escalade le talus. Par une coïncidence bizarre de chaque coté commande un lieutenant-colonel du nom de Christen. Cependant Suisses rouges français « azurros » - de la brigade Schramm et « Suizos azurros » - espagnoles se mêlent joyeusement . On plante les drapeaux côte à côte et on décide de ne pas poursuivre l’engagement. En quelques minutes la redoute est aux mains du bataillon Christen soutenu par « Reding-jeune » ; cinquante « Suizos azurros » sont faits prisonniers. Le capitaine Schumacher ; témoin oculaire écrit : « Nous comprenons à quel point il était fâcheux que les enfants d’une même patrie servissent des nations différentes ». En quelques minutes la cause est entendue ; par centaines « nos Suisses passent du côté ennemi, les officiers essayent de les retenir. Il ne reste que 80 hommes de la brigade Schramm : 1600 sont passé du coté des « Suizos azurros » rejoindre leurs anciens frères d’armes !
Ce texte extrait de la revue Gloire et Empire n° 14 septembre-octobre 2007 p. 56 et 57 est signé d’Alain PIGEARD qu’il n’est pas utile, je pense, de présenter.
A ceux qui craignent, que je ne croise pas mes sources je propose :
2 / Dans la revue historique vaudoise
Les troupes suisses au service de France dépuis les ... - e-periodica
https://www.e-periodica.ch/cntmng?pid=r ... 893:1::501
Le bulletin n°10 de 1893 intitulé : «
Les troupes suisses au service de France dépuis les dernièrs temps de l'ancienne monarchie jusqu'à aujourd'hui»).
«
Les autres bataillons du 3e et du 4e regiment furent employes en partie en France, (les 3e et 4e bataillons du 3e regiment; le 4e du 4e), en partie en Catalogne (le 2e du 4e), enfin en partie dans le corps du gönöral Dupont, fait prisonnier ä Baylen par les Espagnols, le 22 juillet 1808 (le 1er du 3e regiment; le 3e du 4e). Sous les ordres de Dupont se trouvaient aussi dans cette sanglante rencontre les deux rögiments suisses de Preux et de Jeune-Reding, transfuges du service d'Espagnc Ces deux rögiments se comportörent vaillamment au debut de Faction, mais finirent par deserter»).
- L’article d’Albert de Montet en page 296 est certes, un peu moins tendre pour les régiments de la brigade Schramm, s’agissant d’un romanche, il paraîtra toujours douteux aux allemaniques mais il s’agit tout de même d’un compatriote moins contestable qu’un français.
3 / Histoire & Collection a commis il y a quelques années un petit livret, le n° 19 de sa collection « Soldats et officiers suisses aux services de la France 1785-1815 »,. Au delà des planches d’uniformes d’André Jouineau particulièrement appréciées des figurinistes, le texte de Didier Davin P 65 apporte une précision fort intéressante concernant « les Suisses incorporés au service de l’Espagne » :
« Le corps d’armée du Général Dupont devra capituler à Baylen en juillet 1808. Parmi ses troupes deux régiments suisses (selon une capitulation de 1804) au service espagnol qui avaient été versés dans l’armée française, au coté de régiments suisses au service français ».
- Les deux régiments de la brigade Schramm étaient donc au service de l’Espagne avant d’être incorporés au 2° corps d’observation de la Gironde.
4 / Le livre de Tranié et Carmignani dans les éditions Pygmalion ou Copernic traite un peu rapidement de la bataille et ne dit rien de l’incident.
5 / En revanche l’étude du Colonel A Grasset paru aux éditions Quatuor relate en détail l’événement p.222. Il explique surtout et c’est son grand mérite la genèse de la chose. Ce qui permet de bien comprendre l’enchaînement des faits et explique de façon lumineuses les textes précédemment cités dont certains termes pouvaient encore paraître un peu obscurs.
A droite, les Suisses sont parvenus au Haza Vallona où il y a une petite redoute. Eux ne reculent pas mais ils fraternises avec leurs compatriotes défendant cette redoute. Reding a confié en effet la défence de ce point d’appui de sa gauche à un bataillon du régiment de son frère Nazaire Reding. Et quand les soldats de ce bataillon ont vu les uniformes rouges des Suisses de Charles Reding et de Preux au service de l’Espagne eux aussi mais incorporés dans la division Barbou, ils ont mit les chapeaux au bout des fusils et appelant leurs compatriote, leur ont crié : « nous sommes tous Suisses ! ne nous battons pas les uns contre les autres ». Effectivement les capitulations des Suisses au service de l’étranger leur font un devoir sacré de ne pas agir offensivement les uns contre les autres.
Donc ces régiments rouges se rendent solennellement les honneurs. Les drapeaux sont placés côte à côte devant la redoute. Les officiers s’embrassent et il n’est plus question de batailles sur ce point. Le général Schramm intervenu en vain ne peut que ramener ses bataillons en arrière laissant le Haza Vallona aux mains des Suisses de Nazaire Reding.
Dans les chapitres précédents, le colonel Grasset explique comment les cinq régiments suisses au service de l’Espagne portant le nom de leur colonel (Wimpfen, Reding jeune, Reding vieux, Bettschart et Taxier) ainsi que le régiment Valaisan (de Preux) se sont trouver à l’avènement de Joseph sur le trône d’Espagne dans un conflit de loyauté. Napoléon pressentant la chose avait donner des instructions claires pour que ces unités soient dispersée mais Murat en qualité de lieutenant de l’Empereur (plus préoccupé peut-être par un destin personnel) ne saisit pas la pensée du maître et regroupa les régiments Suisses au service de l’Espagne dans une même division. Constituée à la base de deux brigades de deux régiments chacune. L’excédent servant à combler les rangs des régiments suisses au service de la France. Seules la brigade Schramm rejoignit le 2° corps d’observation pour participer à la campagne d’Andalousie.
En plus de la brigade Schramm (Rgt n°2 Reding–jeune du Col Schwyz et Rgt n°6 de Preux du Col Jaquet) appartenant à la division Rouyer de Saint Victor d’autres troupes suisses figuraient au sein du 2° corps d’observation de la Gironde tel le 3° bataillon du 4° Rgt commandé par le chef de bataillon Christen (Brigade Chabert – Division Barbou d’Escourières) ainsi que le 3° bataillon du 3° Rgt suisse aux ordres du chef de Bataillon d’Affry (Brigade Poinsot – Division Vedel).
En conclusion.
- Un événement particulier s’est bien déroulé durant la bataille de Baylen
- Elle implique les régiments suisses de la brigades Schramm désignés azzuros sans doute parce qu’ils avaient conservé leur ancienne tenue bleue correspondant à l’uniforme espagnol.
- Il semble qu’il s’agisse moins d’une désertion que d’une fraternisation même s’il convient d’observer qu’à l’issu de la bataille ces troupes rejoignirent les rangs de l’armée espagnol du général Reding.
- Rien n’indique par ailleurs que les autres troupes suisses françaises - non directement opposées à leurs compatriotes - n’aient pas fait leur devoir mais une fois qu’ils furent fait prisonniers les suisses espagnols affectés dans ces régiments ont très certainement suivi leurs anciens compagnons d’arme et il est probable qu’il furent imité en cela par des Suisses au service de la France.
- Concernant le commandant du 3° bataillon du 3° Suisse (français) s’agit –t-il d’un parent ou d’un homonyme (il semble que le nom de Christen soit assez répandu dans la Confédération (comme celui de Reding et de Schramm) et que ceux-ci par hasard ou par tradition soient assez versés dans le métier des armes. Je ne puis écarter qu’il s’agisse d’une erreur mais il est peu probable que le Dr Piegeard ait confondu les bataillons entre eux ?
Il est a noter que le grade de lieutenant-colonel, supprimé après la révolution fut remplacé par celui de major. Alain Pigeard a sans doute usé d’un tel raccourci pour indiquer que les deux commandants de bataillon portant le même nom avait également sinon le même grade du moins une fonction équivalente.
L’article d’Albert de Montet, bien que très daté, apporte une foultitude de renseignements concernant la composition, l’organisation, les uniformes et les campagnes des unités suisses au service de la France.
Le livret d’Histoire & collection est d’un abord moins austère. Il déborde un peu de son titre puisque au delà des suisses au service de la France il aborde les légions helvétiques en Suisse et en Italie, les milices helvétiques, le bataillon valaisan, le bataillon de Neuchâtel et bien sur les Suisses espagnols au service de la France durant la campagne d’Andalousie.
Nul doute que ces deux ouvrages répondront à la question initialement posée dont je n’ai pas perdu de vue l’objet.
Enfin et pour clore toute polémique :
Je crois que ce forum est pour chacun de nous l’occasion d’approfondir et de parfaire ses connaissances en apportant à tous les compléments d’information qu’il recherche. S’il traite de jeux de figurines, il s’appuie sur un cadre historique qui ne peut-être ignoré. Je n’ai pas la prétention de détenir la vérité et celle-ci ne peut par ailleurs être univoque. Alors gardons nous de tout jugement hâtif ou péremptoire et puisque tout ce qui est excessif est dérisoire, sachons admettre la contradiction sans en faire une controverse.
L’été est encore long, la météo annonce une nouvelle vague de chaleur alors à l’instar des vieilles troupes « Restons calmes et buvons frais ».