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par BMasson » Sam Sep 17, 2022 9:13 am
bonjour,
l'espacement entre unités (ou sous-unités) est un point largement sur-représenté dans les règlements de manoeuvre de l'époque, et sous-représenté sur nos tables de jeu.
Mais pas forcément sans raisons...
En effet, la prise de positions réglementaires est soumise à des impératifs géographiques, temporels, intellectuels, moraux, ainsi que d'encadrement et d'effectifs.
- Géographiques, car, contrairement au champs de manoeuvre, ou à un front de bataille du XVII-XVIIIe siècle, la ligne de bataille napoléonniene bouge beaucoup, et le terrain où se déroule l'affrontement n'est jamais coopératif. C'est à dire qu'il comporte des ruptures, mares, bâtiments, enclosures, trous, bosquets, etc... qui nécessitent de raccourcir le front, puis de l'étendre à nouveau pratiquement en permanence lors d'un mouvement. si l'ennemi n'était présent, ou était bien disposé, quelques minutes suffiraient pour retrouver la cohésion de ligne de bataille demandée par le manuel....mais alors ce ne serait pas l'ennemi!
Ce dernier à en effet généralement l'affront de choisir ce moment pour attaquer, causant retards, désordres, combats, voire fuites/déroutes, qui dérangent encore plus le bel ordonnancement prévu.
-Temporels, car une telle prise de disposition prend du temps, beaucoup de temps, or les généraux de l'époque se montrent rarement patients, si tant est que ce mot fasse partie de leur vocabulaire. Et allez dire à un brigadier qu'il doit attendre sur place face à plusieurs batteries d'artillerie ennemies, ou à un défaut de positionnement adverse que le reste de l'armée soit en place pour recevoir un ordre de son supérieur....
Le mouvement rejoint le point précédent, car si dans le bataillon/régiment, voire la brigade, on attend le repositionnement des composantes avant de reprendre le mouvement, à une échelle au-dessus, je n'ai que très rarement lu que c'était le cas. une brigade/division/corps qui prend du retard durant une manoeuvre le garde, ou le voit augmenter.
-Intellectuels, car les armées de cette époque (mais pas que) sont une parfaite mise en application du principe de Peters, qui veut qu'on s'élève dans la hiérarchie jusqu'à son niveau d'incompétence! Les exemples sont légion, deux exemples parmi d'autres, Dupont est un divisionnaire fabuleux, et un chef de corps désespérant; Ney est un divisionnaire merveilleux, un chef de corps correct, et un général d'armée pitoyable. Tout ça sans prendre en compte le niveau intellectuel réel de nos généraux. Car oui, dans toutes les armées, à pratiquement tous les grades, certains sont de complets imbéciles, parfois à peine lettrés, ou incapables de comprendre des ordres simples, voire acharnés à faire perdre leur supérieur direct dans l'espoir de le remplacer... comme aujourd'hui!
Prendre en compte aussi que rares sont les armées (surtout la française) où tous les officiers ont eu entre les mains ledit règlement, ou l'ont simplement lu...
-Moraux, car l'expansion énorme des armées dans notre période a forcé les nations à mettre en ouvre et en première ligne des troupes peu ou pas entrainées, bougeant/manoeuvrant moins bien que ce que prévoit le manuel (voir pas du tout). ces troupes ralentissent le mouvement, exaspèrent le général en chef, et finissent par être laissées en arrière "faire ce qu'elles peuvent pour rejoindre". ou en première ligne, n'attaquent pas quand ordonné, fléchissent sous la pression ou s'enfuient. Exemple les Hussards de Cumberland à Waterloo, dont le colonel répond, quand on lui dit de monter en première ligne, que ses soldats sont des volontaires montés à leurs frais, et qu'ils n'obéiront pas si il donne cet ordre. Quand ordre leur est donné de quitter le champ de bataille, ils le font avec tant d'empressement qu'ils manquent d'emporter tout le GHQ anglo-alliés avec eux...
-D'encadrement et d'effectifs, car plus la période avance, plus les armées grossissent, et moins bien elles sont encadrées. on doit confier des bataillons/régiments/brigades à des gens incapables de commander correctement une compagnie, et sans aucune expérience. c'est arrivé sous la république, mais ces gens avaient la peur de la guillotine pour aiguillon, et des sous-officiers de régulière ou promis à un grand avenir. témoin l'armée française de 1813 en Espagne, avec des régiments de cavalerie à 1 escadron de 3 à 500 sabres
tout ça pour dire que oui, en général, une armée qui commence une bataille respecte généralement l'espacement règlementaire prévu par le manuel (Waterloo en est le contre-exemple parfait, ni la première ni la seconde ligne Anglo-alliée n'ont physiquement la place nécessaire pour se déployer, à part sur 2 étages...)
Mais je ne vois pas de bataille où cela survit à une heure d'engagement.