La
vox populi s'étant exprimée...
L'armée weimarienne naît de la défaite des troupes suédoises et protestantes à la bataille de Nordlingen en 1634. Une partie des rescapés s'en va grossir les rangs de l'armée suédoise de Johan Banér mais Bernhard de Saxe-Weimar parvient malgré tout à reconstituer un certain nombre de régiments à partir des débris de diverses unités allemandes durement éprouvées. Le 27 octobre 1635, il signe un accord avec la France par lequel il s'engage à maintenir sur pied une armée de 12 000 fantassins et 6 000 cavaliers en échange d'un financement annuel de 4 millions de livres et du titre de maréchal de France (ce qui ne l'empêche pas de demeurer parallèlement commandant en chef des forces de la Ligue de Heilbronn). Début 1636, l'armée weimarienne commence à opérer aux côtés de l'armée française.
Les régiments weimariens sont théoriquement composés de huit compagnies pour la cavalerie (soit environ 500 troupiers par unité) et de 12 compagnies de 100 hommes pour l'infanterie (soit 1 200 fantassins). Dans les faits, cette structure varie comme le montre la liste reproduite ci-dessous, notamment en ce qui concerne l'infanterie. Les régiments de cavalerie semblent quant à eux avoir majoritairement aligné leurs huit compagnies réglementaires même si certains optent pour 7 compagnies de cavaliers et une de dragons, cette dernière pouvant être détachée du régiment à l'occasion des batailles. A ce stade de la guerre, la distinction entre cuirassiers et arquebusiers ne semble plus avoir été de mise : tout le monde porte le buffle, augmenté ou non d'un plastron de cuirasse et d'une dossière en fonction des préférences du cavalier et/ou de ce qu'il y a de disponible dans les arsenals. La tête est protégée par un casque de type
Zischagge ou par une simple calotte de fer portée sous le chapeau.
Sur le plan de la tactique, l'armée weimarienne suit l'évolution générale des armées de la deuxième moitié des années 1630 : l'infanterie opère désormais en battalions de 500 à 1 000 hommes , les régiments dont l'effectif est supérieur à 1 000 soldats étant répartis sur plusieurs bataillons. La cavalerie combat en escadrons, chaque régiment de 500 hommes étant théoriquement divisé en deux escadrons sur le champ de bataille (parfois plus, l'ordre de bataille pour Wittenweir en 1638 donnant le régiment de Rosen à trois escadrons au lieu de deux).
Il existe plusieurs ordres de bataille pour la période 1635-1639, mais le plus utile me semble être la liste datée du 22 mars 1639 que je reproduis ci-dessous et qui est extraite d'un ouvrage de William Guthrie. Il est normalement prudent de prendre ce qu'écrit Guthrie avec plus qu'un grain de sel (malgré sa réputation, il lui arrive d'être totalement à côté de la plaque, voire d'inventer certaines choses de toutes pièces), mais en l'occurrence l'info me paraît ici fiable, car recoupée par d'autres sources :
Régiments de cavalerie :
Bernhard Leib Kompanie 1 compagnie 100 h
Rosen 8 compagnies 588 h
Taupadel 8 compagnies 427 h
Nassau 8 compagnies 568 h
Ohm 8 compagnies 504 h
Muller (ex Potbus) 8 compagnies 405 h
Schon 8 compagnies 515 h
Caldenbach 8 compagnies 433 h
Kanoffsky 7 compagnies 421 h
Wittersheim (ex Wurtemberg) 7 compagnies 438 h
Rotenhan (ex Bodendorff, ex Ernst de Saxe-Weimar)7 compagnies 328 h
Garnison de Breisach 1 compagnie 100 h
Total : 79 compagnies 4827 hommes
régiments d'infanterie
Bernhard Leib 1 compagnie 300 h
Schönbeck 16 compagnies 1734 h
Hodiowa 9 compagnies 824 h
Hattstein 12 compagnies 1066 h
Forbus 10 compagnies 899 h
Flersheim 8 compagnies 1036 h
Bernhold 9 compagnies 808 h
Moser 9 compagnies 620 h
Wiederhold 12 compagnies 1200 h
Leslie (Ecossais & Irlandais) 7 compagnies 330 h
Total : 93 compagnies pour 8817 hommes
Il faudrait normalement y ajouter les régiments d'infanterie Quernheim et Kanoffsky, ainsi que le régiment de cavalerie Berg pour lequel je n'ai aucun détail. Le régiment d'infanterie Schmittberg ne fait pas partie de l'armée weimarienne, même s'il combat souvent à ses côtés : il s'agit d'un régiment allemand levé en janvier 1635 par Louis de Schmittberg (ou Schmidberg) pour le service de la France.
Un certain nombre d'unités portent le nom de régiments ayant combattu en Allemagne durant les campagnes de Gustave-Adolphe en 1631-1632. Le régiment Ohm avait servi à Breitenfeld et Lützen tandis que le régiment de Rotenhan est l'ancien régiment d'Ernst de Saxe-Weimar, l'un des frères de Bernhard. Il est difficile de dire s'ils ont conservé après 1635 les étendards portés au combat en 1632, d'autant que ces régiments ont sûrement absorbé les restes d'autres unités de cavalerie. Le régiment d'infanterie de Schönberg contient encore des vétérans de l'ancien
Hovregiment (ou régiment jaune) de Gustave-Adolphe, mais il a été constitué en 1634 en amalgamant aussi des rescapés du régiment de Mitzlaff et du régiment personnel de Bernhard de Saxe-Weimar. La continuité avec l'armée suédoise de 1630-1634 est donc problématique, voire douteuse, même si j'ai lu ici et là que le régiment Schönbeck avait continué à recevoir des uniformes jaunes jusqu'en 1639 afin d'honorer la filiation avec le Hovregiment de 1630-1634 (je ne suis pas du tout certain que cela soit confirmé par des sources primaires, par contre).
Côté uniformes, il n'y a pas grand-chose de connu dans la mesure où je soupçonne fort qu'il n'y ait pas grand-chose à connaître. La cavalerie portait le buffle, ce qui la dispensait d'avoir des pourpoints d'une couleur uniforme, et l'infanterie devait avoir toutes les peines du monde à s'habiller correctement : la France, principal bailleur de fonds du duc Bernhard, payait mal et souvent en retard, et l'armée avait en permanence recours aux contributions; c'est-à-dire à l'impôt extorqué par la force aux régions où les troupes étaient cantonnées. Les weimariens n'avaient d'ailleurs pas bonne réputation et ils ont laissé de très mauvais souvenirs en Franche-Comté, où ils se sont aussi mal comportés que les armées de Mansfeld en Allemagne dans les années 1620. Avec la possible exception du régiment Schönbeck, l'uniformité n'était probablement pas une priorité pour les intendants de l'armée weimarienne, même si le sujet mériterait sans doute d'être davantage creusé. Qui sait, il y aurait peut-être des surprises...