Le 2 août dernier je vous indiquait que le général Moritz de Liechtenstein pouvait porter au choix soit un uniforme de hussard, soit l'uniforme classique des officiers généraux autrichiens.
Dans le n°6 de la revue « Soldats napoléoniens », j'ai relu le descriptif du tableau de René Berthon ayant pour thème la reddition de la ville d'Ulm intervenu le 20 octobre 1805.
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/ ... lation.jpg
Le général-major Moritz Liechtenstein figure parmi les 17 généraux qui suivent le « malheureux Mack » devant l'Empereur et offrent ainsi leur reddition.
Ils existent d'autres représentations de la même scène ; la plus connue étant certainement la peinture de Charles Thévenin.
https://www.lelivrechezvous.fr/puzzle-l ... -mack.html
Mais cette dernière, commandée en 1806 ne fut achevée qu'en 1815 et présentée pour la première fois seulement au Salon en 1833. A l'inverse la toile de René Berthon fut présentée le 15 septembre suivant au salon de 1806, c'est à dire moins de 6 mois après la campagne d'Austerlitz et acquise par Napoléon lui-même.
La composition des œuvres est très semblable et sur les deux tableaux on observe que certains généraux autrichiens portent la tenue de général de hussards : (deux chez Thévenin, trois chez Berthon).
On note aussi chez Thévenin, qu'il s'agit de tenues régimentaires rehaussées des attributs d'officier-général (outre les galons et hongroises de dimensions supérieures à celle d'un colonel on remarque la présence au collet du dolman un large galon en zigzag caractéristique des généraux autrichiens). A l'inverse les trois généraux de hussards figurant sur le tableau de Berthon portent tous trois la tenue dite hongroise (culotte et dolman rouge, pelisse blanche). Il s'agit du Prince Moritz de Liechtenstein alors Général-major, du Feld-maréchal-lieutenant Landgrave de Hesse-Hombourg et du Feld-maréchal-lieutenant Comte Ignatz Gyulai.
Le tableau de René Berthon présente des détails qui attestent de la contemporanéité de l’œuvre.
C'est le cas de la tenue de l'Empereur qui porte l'uniforme des vélites de la garde, troupe de nouvelle levée présente au moment de la reddition. A l'inverse sur la toile de Thévenin il porte la tenue plus classique de colonel des chasseurs à cheval de la garde.
Parmi les personnalités entourant l'Empereur Thévenin fait figurer des officiers-généraux dont la présence à ses cotés le 20 octobre 1805 est pour le moins douteuse.
- Andoche Junot ambassadeur de France auprès du royaume de Bragance, qui abandonnera sans ordre son poste à Lisbonne pour rejoindre la grande armée et ne l'atteindra qu'à la veille d'Austerlitz.
- Eugène de Beauharnais, au premier plan de la toile n'était pas à la tête de son régiment des chasseurs à cheval de la garde trop occupé par ses récentes responsabilités de vice roi d'Italie. Son régiment était d'ailleurs scindé en deux les trois premiers escadrons sous les ordres du colonel en second Morlant (qui trouva la mort à Austerlitz), les trois suivant sous les ordres du major Dahlmann.
- Joachim Murat, présenté de trois quart dos est, quant à lui, depuis le 17 octobre aux trousses de l'Archiduc Ferdinand qui tentait de s'échapper vers la Bohême.
- Jean-Batiste Bessières au sujet duquel, j’émets les mêmes réserves et pour les mêmes raisons concernant sa présence à Ulm ce jour là.
A l'inverse la toile de Berthon ne fait figurer qu'un nombre limité de personnalités bien présentes à Ulm parmi lesquels on reconnaît Berthier Ney et Marmont et dont on devine de dos Savary (homme de l'ombre, naturellement) dont le rôle fut important dans la mystification du Feld-maréchal Mack par l'entremise de l'espion Shulmeister.
S'agissant des uniformes, les généraux français portent des habits de grandes et de petite tenue dont les collets rouges ou bleus sont parfaitement représentatifs du changement intervenant précisément à cette époque dans les tenues. Ce qui n'apparaît pas sur la toile de Thévenin plus inspiré par des uniformes postérieurs à l’événement.
Les ceinture-écharpes, les plumets rouges et aigrettes blanches des chapeaux des généraux de division visibles chez Berthon sont eux aussi représentatifs des tenues de l'époque
Si l'on ajoute que le peintre séjournait à Vienne en 1805, il est clair que son œuvre est un témoignage précieux et l'on peut penser qu'il a croquer avec la même précision les uniformes des généraux autrichiens.
Je ne suis pas dupe du fait que ces tableaux, souvent de commande ne sont pas simplement décoratifs. Ils sont d'abord des vecteurs de propagande mais aussi des moyens plus ou moins subtils de flatter le pouvoir en place et ceux qui l'exercent.
Loin de moi la volonté de dénigrer l’œuvre de Tévenin, qui du point de vue artistique, dépasse à mon sens le tableau de Berthon mais force est de constater qu'elle ne correspond pas à une représentation sincère de l’événement.
En consultant l'ordre de bataille de l'armée autrichienne de Souabe en 1805, j'observe que le prince Moritz de Liechtenstein sert au sein de la division du Feld-maréchal-lieutenant comte Kenau, laquelle appartient au corps du Feld-maréchal-lieutenant Schwarzenberg. Elle se compose de :
4 bataillons de grenadiers,
4 compagnies de chasseurs,
8 escadrons de cuirassiers Mack n°6,
6 escadrons de chevau-légers Kenau n°5,
6 escadrons de uhlans Schwarzenberg n°2.
Ainsi donc la tenue de général de hussard n'impose pas de commander de régiments de la même arme. Cette remarque vaut pour les deux autres généraux de hussards figurant sur la toile de Berthon.
En 1809 comme vous l'indiquer vous même la brigade du général-major Moritz de Liechtenstein compte un régiment du hussards (hussards n°3 Archiduc Ferdinand Carl d'Este). Il est donc plus fondé encore qu'en 1805 à revêtir son uniforme de général de hussards.
S'il s'était agit du régiment de hussards n°7 (Liechtenstein), peut-être eut-il opté pour l'uniforme de ce même régiment rehaussé des distinctives d'officier général mais il me semble que ce privilège devait revenir d'abord à son frère aîné (Johannes) en qualité de colonel propriétaire du dit régiment.
C'est pourquoi je pense qu'en 1809 le général-major Moritz de Liechtenstein a probablement fait campagne dans la tenue de général de hussard hongrois semblable à celle qu'il portait en 1805 et dans laquelle il apparaît sur le tableau de Renè Berthon au moment de la reddition d'Ulm.
La prédilection de certains généraux de cavalerie pour la tenue hongroise à la hussarde s'explique peut-être, outre la luxuriance de l'uniforme, par les couleurs de celui-ci qui correspondent à celle de la grande tenue des généraux autrichiens (culotte rouge et habit blanc) mais ceci est un sentiment personnel.
Sans revenir sur ce que je vous écrivais le 2 août dernier, je crois que vous seriez fondé à peindre une figurine de général de hussards hongrois pour représenter le Prince Moritz de Liechtenstein à la bataille de Thann pourvu que vous souhaitiez ajouter une figurine originale à votre « Kriegspiel ».